Lundi 9 novembre 2020, la presse a annoncé que le Premier ministre ouvrait la porte à une renationalisation du financement du revenu de solidarité active (RSA) en Seine-Saint-Denis, à titre expérimental, à partir de 2022.
Transféré aux Départements en 2004, le versement du RSA devait faire l’objet d’une compensation par l’Etat. Cependant, alors que le nombre de bénéficiaires n’a cessé d’augmenter en raison d’années de politiques d’austérité qui ont creusé les inégalités et aggravé la pauvreté, le reste à charge pour les Départements, en particulier en Seine-Saint-Denis, ne cesse d’augmenter. Ce sont aujourd’hui 20 à 30 départements qui sont dans une situation financière critique.
Cette « renationalisation » a déjà eu lieu à Mayotte, en Guyane et à La Réunion dans le cadre des Lois de Finances 2019 et 2020. Pour la Seine-Saint-Denis et d’éventuels Départements volontaires, c’est la future Loi « Décentralisation, Différenciation et Déconcentration » (loi 3D) qui servirait de cadre légal. Cela pourrait alors sonner comme une victoire et le rétablissement d’une forme de justice.
Si le modèle déjà à l’œuvre est retenu, l’Etat reprendrait non seulement le financement du RSA mais également l’ensemble des compétences liées pour les déléguer immédiatement à la CAF, qui assurerait l’instruction des dossiers, le suivi et le contrôle des droits, ainsi que l’orientation des bénéficiaires, à la place du Département.
Cette expérimentation s’inscrit en effet dans la volonté du gouvernement de créer un grand service public de l’insertion (SPI) piloté par l’Etat, adossé à un revenu universel d’activité (RUA). Ce RUA remplacerait à terme le RSA et l’ensemble des minima sociaux, y compris ceux liés au handicap, au logement et à l’âge, qui seraient alors également conditionnés à une recherche d’activité. L’objectif explicite de ce SPI est de recentrer l’accompagnement des allocataires sur le retour à l’activité au détriment des autres dimensions de l’accompagnement social.
Dans un contexte de crise économique appelée à durer et de chômage massif, le risque est grand pour que cette priorité ait pour conséquence un durcissement des contrôles afin d’inciter les bénéficiaires, potentielle main d’œuvre à bas coût, à reprendre n’importe quel type d’activité au prétexte de relancer l’économie et de réduire la dépense publique.
Loin d’être une victoire de la solidarité, cette renationalisation du RSA porte ainsi en elle le risque d’une nouvelle défaite sociale.
Si la FSU Territoriale considère que l’égalité entre les territoires passe par un dispositif national de solidarité, elle estime que l’Etat ne doit pas reprendre la main sur les politiques publiques portées par les collectivités territoriales pour faire des bénéficiaires du RSA une variable d’ajustement économique. C’est pourquoi la FSU Territoriale revendique :
– L’augmentation immédiate des minima sociaux, dont le RSA ;
– L’extension du RSA aux moins de 25 ans ;
– Une politique volontariste d’amélioration de l’accès aux droits pour lutter contre le non-recours des potentiels bénéficiaires ;
– Les moyens humains et financiers d’un accompagnement social fondé sur les besoins des allocataires et le maintien dans leur emploi des agent-es en poste ;
– La compensation intégrale par l’Etat des dépenses sociales obligatoires des Départements.
Les Lilas, le 16 novembre 2020